Connaissez-vous le peintre Miles Davis?

Si l’on connaît le grand musicien Miles Davis, on ignore le Miles peintre, lui qui fut pourtant l’auteur de centaines de tableaux et de croquis réalisés pendant les derniers dix ans de sa vie.

Interview de sa dernière compagne, Joe Gelbard, peintre et sculptrice new-yorkaise qui, en tant qu’enseignante et muse, accompagna le jazzman dans sa découverte du pinceau et de la toile.

A quel moment Miles Davis a-t-il décidé de se consacrer à la peinture ?

J’ai rencontré Miles dans un ascenseur, en 1984. Il m’a regardée fixement, sans rien dire de ses yeux pénétrants de guerrier Masai. A l’époque, nous habitions dans le même immeuble, dans la 5th Avenue, et j’évitais toujours de le croiser car il me faisait peur. Il avait 58 ans. Il était le musicien de jazz le plus connu de la planète. Et tout le monde parlait de sa vie dissolue, de ses sauts d’humeur, de son arrogance, de son génie, de sa folie. Il était pris parfois d’attaques de paranoïa : un soir il a pris la neige qui tombait sur sa Ferrari pour de la cocaïne. Moi, j’avais 34 ans . J’appartenais à tout un autre milieu : j’étais la fille d’un riche marchand de diamants, une sorte de « princesse juive-new-yorkaise », gâtée, mais réellement passionnée par l’art. Lorsque je l’ai rencontré, je venais de réaliser ma première exposition de peinture dans une galerie de Madison Avenue, tandis que Miles sortait d’une opération qui l’empêchait de jouer. Il n’arrivait plus à maîtriser les mouvements de sa main droite. Un jour, entre le 4ème et le 6ème étage, il me dit : « La musique est une peinture que l’on peut entendre, et la peinture est une musique que l’on peut voir. », une de ces phrases énigmatiques à la Miles ! Ca sonnait comme invitation un peu mystérieuse. Peu après, il me demanda de l’accompagner dans l’apprentissage de la peinture. De fait, il dessinait déjà très souvent, et il avait un don inné du trait. Je crois qu’au début, Miles a utilisé la peinture comme une thérapie, mais au fur et à mesure qu’il avançait, elle est devenue pour lui une passion réelle. Depuis, il ne se déplaçait jamais sans ses carnets de dessins, ses crayons, ses pinceaux.

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