Lucas Cranach : artiste ou chef d’entreprise ?

De son temps, au XVIème siècle, Lucas Cranach cumulait charges et honneurs. Aujourd’hui il fait encore parler de lui. Outre les multiples expositions qui lui sont consacrées un peu partout dans le monde, le Louvre vient d’ouvrir une souscription publique pour acquérir le tableau intitulé « Les Trois Grâces » représentant trois jeunes femmes fort dénudées. Il manquait au Louvre la bagatelle d’un million d’euros pour arriver au quatre millions demandés par le vendeur.

Eh bien, bingo ! Le Louvre a réuni cette somme à peine un mois après le lancement de son opération. Plus de 5 000 donateurs ont participé. La moyenne des dons s’échelonnait de 1 à 500 euros, avec des participations exceptionnelles allant de 10 000 à 40 000 euros. Quand on aime, on ne compte pas !

L’INVENTEUR DE LA PEINTURE ÉROTIQUE

Cranach

A l’heure où Facebook retire la photo du tableau de Courbet intitulée « L’origine du monde » qui montre en gros plan le sexe d’une femme, les expositions à Francfort, Londres, Rome, Bruxelles, Paris, font la part belle aux nus sensuels et troublants de Lucas Cranach. Allez comprendre où se niche la pudeur !

Ses peintures grandeur nature ne cachent rien de l’anatomie des dames. En général il s’agit de très jeunes filles à peine pubères. Elles ont le regard en coin et désignent leur sexe en pointant un doigt, ou un poignard ou une branche d’arbre. Elles se drapent volontiers de voiles de pure transparence, de bijoux opulents et de chapeaux posés d’une manière coquine sur le côté. Ces éléments témoignent d’une façon significative de l’intention érotique de l’artiste.

En règle générale, la peau très pâle de ses modèles se détache sur un fond sombre. Le contraste visuel rend les jeunes femmes encore plus désirables.

LUCAS CRANACH SUPER STAR

Ah ! La magie du petit écran … Je me demande ce que ce cher Lucas aurait pensé en voyant l’une de ses toiles au générique de la série culte américaine « Desperate Housewives » où l’on peut admirer son « Adam et Eve ».

Je crois qu’il aurait beaucoup aimé car il était très opportuniste. Il est né le 4 octobre 1472 en Allemagne du sud. Le seul auto-portrait que nous ayons de lui, le représente à l’âge de 60 ans avec un visage large et barbu, des traits sévères et un regard incisif et déterminé.

Son parcours aura été remarquable. Peintre et graveur de talent, il a su tout de suite se faire remarquer et il a pu rapidement acquérir la charge enviée d’artiste de cour. C’était un notable riche et influent qui alla jusqu’à fonder une imprimerie pour éditer les écrits de son meilleur ami : le sévère Martin Luther, artisan de la Réforme.

UN HOMME D’AFFAIRES AVISÉ

Comme les commandes de tableaux affluaient, il ne pouvait y faire face tout seul. Il employa donc ses deux fils : Hans et Lucas-le-jeune ainsi qu’une dizaine de peintres. L’énorme succès que son atelier rencontrait l’incita à décliner ses tableaux sous des formes variées. Il mit au point des standards interchangeables de mains, pieds, attitudes, etc… consignés dans des catalogues qui lui permettaient une production quasi industrielle !

On a recensé pas moins de 39 Vénus, 35 Lucrèce, 35 Eve 19 Judith et 12 Aphrodite sorties de son atelier.

Son style est reconnaissable entre tous : la taille de ses dames est souple, le corps longiligne, les seins menus, le visage en cœur, les yeux en amande et le teint laiteux. C’était un canon de nus qu’il avait mis au point au fil des ans pour être facilement reproductible.

UNE SIGNATURE TRÈS … PERSONNELLE

Le roi Frédéric III de Saxe lui avait accordé des armoiries dont l’animal héraldique lui servira de signature. Il s’agissait d’un serpent aux ailes déployées. Après la mort de son fils aîné en 1537 à l’âge de 23 ans, sa signature en portera le deuil… Désormais, le serpent aura ses ailes abaissées.

MIEUX LE CONNAITRE

Exposition au Musée du Luxembourg à Paris

« Lucas Cranach et son temps » du 9 Février 2011 au 23 Mai 2011

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