Rencontre avec Mihoub : l’Artiste de la pleine conscience

C’est en marchant vers l’atelier, dans les rues de Marseille, que je réalise à quel point les métiers de la création, à mi-chemin entre la découverte permanente et le choix des produits sont formidables. Riches en rencontres, audacieux dans leurs choix, authentiques dans leurs réalisations, osés dans leurs affirmations. Être Artiste c’est emprunter un chemin où rien n’est jamais écrit d’avance. Encore une fois, je me demande qui sera l’Artiste que je vais découvrir dans quelques minutes.

Mihoub… Un prénom, des œuvres et une bio que j’ai parcourue avant de préparer mes questions. La première chose que j’aperçois c’est un sourire, puis des yeux, rieurs, bienveillants. Place à l’atelier, nous entrons dans un endroit magique. Des pinceaux qui ont vécu, des chevalets, des toiles à même le sol qui sèchent lentement, s’imprégnant du temps qui passe, des Canada Dry, une clope, et une heure d’échange remplie de cette énergie qu’il transmet sans même s’en rendre compte.

Mihoub c’est maintenant à mes yeux l’Artiste de la pleine conscience, intuitif et spontané.

Bienvenue dans son atelier. Laissez-vous emporter par l’histoire de Mihoub : son parcours et ses réflexions autour de la vie et du processus créatif. Laissez-vous gagner par la magie de son travail, qui vous touchera, tout comme je l’ai été en découvrant ses œuvres. Place à l’Artiste.

Le parcours

« J’ai décidé de partir à l’aventure. C’était en 2000. J’avais la vingtaine, l’âge où sans doute on est en quête de nouveaux espaces, de nouveaux horizons. J’ai posé mes valises à San Francisco. A ce moment de ma vie, je ne connaissais pas grand-chose à l’Art. Les galeries, les musées, les expositions : ces domaines ne m’étaient pas familiers.

C’est quand je suis revenu pour la seconde fois dans cette ville deux ans plus tard, que tout a basculé. Mon histoire d’Artiste a commencé en décembre 2002.

Je vivais en colocation, je partageais un appartement en centre-ville, dans un quartier où beaucoup de personnes créaient. Ma colocataire réalisait des collages. Et puis il y avait ce designer qui vivait dans le même bâtiment. On voulait tous créer. Moi, j’écrivais des poèmes. Et nos jeunes années nous amenaient à réfléchir, à poser nos propres bases, on était en quêtes identitaires.

Quand mon ami designer est parti, j’ai acheté sa table et sa chaise. Et j’ai commencé le dessin. Je voulais au tout début dessiner des lampes. C’est à ce moment précis que j’ai commencé à faire émaner de mon esprit des personnages. On les voyait dans mes dessins de lampes. Je comprenais que la créativité jaillissait.

C’est sans doute le départ de tout, et surtout de cet émerveillement qui ne m’a jamais quitté. De celui qui te touche dans ton être profond, de celui qui transcende tout. S’émerveiller en permanence. C’était incroyable. J’éprouvais cette fascination originelle de la créativité, je découvrais le monde. Je me sentais aussi transporté qu’un Christophe Colomb découvrant l’Amérique ! Cette énergie-là m’a envahi et porté, immédiatement. Plus de retour possible. Je ne m’en suis jamais séparée.

Au début, je dessinais sur des tous petits formats, au crayon gris. Mes créations étaient très spirituelles, très chargées, comme si elles portaient des messages magiques.

J’habitais à Geary Street. C’était l’endroit qui réunissait sur un périmètre restreint de véritables chefs d’œuvres du surréalisme. Je n’avais que quelques mètres à parcourir et j’ouvrais les portes des galeries Là c’était un Dali, ailleurs un Miro ou un Picasso.

Je découvre l’Art, c’est à nouveau un émerveillement total ! La révélation absolue. Et je me mets à dessiner sur la place pendant 10 jours. Ces petits dessins au crayon gris ! Je vois des personnages apparaître, des lignes, des formes, cela me semble totalement incroyable. »

– Et tu dessines, ta carrière est lancée

« Oui je dessine. Je renvoie à ce moment-là une énergie incroyable. Je suis transporté et je crois en mes dessins. On est à San Francisco, pas à Paris. Aux US, si tu mets du bonheur dans ce que tu fais, le public te le renvoie. C’est allé très vite. J’entends « Waooh ! Mihoub ! C’est un travail magnifique ». Au bout d’un an, ma première exposition est lancée : « One year, One show ».

J’ai dessiné avec mon cœur. Avec du recul, je réalise que ce premier jet n’était pas encore abouti. »

– Mihoub, si tu es découvert si vite, toi, l’artiste autodidacte, c’est que tu as du talent !

« J’avais un don. Mais aujourd’hui, avec un œil plus critique, en ayant vu le travail d’autres artistes, mes œuvres de l’époque n’étaient pas encore abouties.

J’ai aussi eu la chance de ne jamais galérer pour vendre mon Art. J’avais un emploi à côté. J’étais serveur et j’attaquais à 15 heures. Je finissais tard le soir. Le matin je me levais tôt et je dessinais. J’avais le temps de gérer ma passion et mon métier. J’ai pu aussi découvrir les magasins de ventes de produits beaux-arts. J’étais toujours chez Pearl’s. D’ailleurs, je voue une véritable passion aux magasins beaux-arts. Le seul magasin qui ressemble à ce que j’ai pu voir à San Francisco, c’est Passage Clouté à Paris, rue des boulets. Je ne manque jamais d’y passer quand je suis sur Paris. Bref, pour résumer : j’éprouve aussi un véritable amour pour les magasins de fournitures beaux-arts. »

« Je commence à fonder les bases de mon Art. Un Art très simple. »

Un jour un ami m’offre une boîte de pastel. C’est ainsi qu’un dessin magique est né : « L’enfant du monde ». Je contemplais ma réalisation en me disant que j’arrivais à dessiner des portraits bien que je sois totalement autodidacte.

Au-delà de ce constat, il existe cette fondation incontournable qui est et demeure le subconscient.

« L’Art ce n’est pas uniquement une création spontanée, c’est aussi ce moment présent où tout s’arrête. Ce moment où tu es ce que tu dois être, c’est-à-dire créatif. Tout être humain devrait être créatif. »

Aujourd’hui bien sûr, j’en parle avec du recul mais à l’époque, j’étais totalement illuminé. J’étais persuadé que j’allais devenir le plus grand peintre de tous les temps (rires). Cette énergie, cet ego sans doute démesuré m’a porté et c’est ainsi que j’ai duré. Je n’ai jamais cessé de croire. »

« Les clés dans la création sont : persévérance patience et croyance. Sans la croyance, sans la foi, tu ne peux rien créer. Je crois en mon Art depuis de longues années et cette énergie positive qui se dégageait les premières heures où j’esquissais mes premiers dessins allait me porter vers tout ce que je souhaitais : être et vivre en pleine conscience. »

La découverte de nouveaux horizons

« Un artiste m’a dit un jour « la seule chose que tu ne dois jamais faire c’est arrêter la peinture ». Alors j’ai décidé de découvrir d’autres horizons. Il y a eu Barcelone, Londres, la Malaisie. Certaines périodes étaient chargées de créativité, d’autres plus calmes. Je suis un peintre spontané, intuitif, je marche devant un chemin qui s’ouvre et se crée sous mes pas. »

– Tu ne le connais pas ce chemin ?

« Non (silence).»

«Ce qui me permet d’avancer sur le chemin, ce sont les supports. Pour le moment les supports me permettent le travail de la matière, de la texture. San Francisco c’est l’initiation. Une période pendant laquelle j’ai beaucoup exposé. Mais on ne peut pas peindre et exposer. Des choix sont à faire. Quand on crée, on n’a ni le temps ni l’énergie de courir aux vernissages. Si San Francisco est ma référence, le point où tout a commencé, le chemin s’ouvre et se découvre sans cesse depuis. »

– « The more I paint the more I like everything ». Basquiat. Je comprends dans cette phrase que plus je peins plus je comprends le monde et plus je l’aime. C’est ton avis ?

« Non. La peinture ne m’aide pas à aimer le monde mais à être en contact avec mon être profond et à me recentrer sur mon être.

C’est important pour moi. Peut-être en revanche qu’elle améliore ma perception du monde.

Les phrases d’artistes qui ont été des pivots dans ma carrière il y en a deux :

A la question posée à Pollock (qui a été pour moi une grande source d’inspiration) : Comment savez-vous quand vous avez terminé une peinture ? Ce dernier répond : Comment savez-vous quand vous avez fini de faire l’amour ?

C’est exactement ça la peinture, c’est exactement ça la création.

Une autre phrase m’a marqué profondément. C’est encore une question posée cette fois à Pierre Soulages : Quelle est votre peinture préférée ? Il répond « Celle que je vais faire ».

–  Tu as écrit : « Our mind is the last free space that we can explore or ignore… »

C’est l’esprit il n’y a plus que ça, surtout dans le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Et on voit avec la physique quantique, avec tout ce qui se passe chez Google où ils sont en train de créer des clones virtuels de nous-mêmes : l’esprit contrôle les actes. On se donne des défis incroyables comme celui d’aller sur la lune, mais en fait le plus important, c’est l’esprit : celui qui nous habite et nous transporte. C’est lui et lui seul qui nous permet de nous réaliser.

Pour en revenir à cette phrase de Basquiat, ce n’est pas tant le but de comprendre le monde qui m’anime dans ma peinture, mais cette notion de me sentir vibrer quand je peins. Quand tu crées une œuvre, tu ne la gommes pas, tu la vis ! C’est la vraie Liberté. »

Te coupes-tu parfois de ta peinture pour justement l’explorer à nouveau ?

Il m’arrive de me laisser des temps de pose. Mon esprit accumule alors des informations inconscientes et analyse son espace, les interactions humaines. Mes dessins et peintures en seront les représentations a posteriori. Je ne donne mes titres qu’une fois ma création finalisée. Et quand je reviens à l’Art, le mouvement, et l’énergie créative repartent d’une façon merveilleuse.

Tu habites Marseille. Es-tu inspiré par cette ville et ses habitants ?

Quitter San Francisco pour revenir en France a été difficile. Comme pour de nombreuses personnes ayant goûté à l’expatriation. Quand je suis arrivé à Marseille, j’ai immédiatement été saisi par la similarité avec San Francisco, similitude dans l’approche humaine. Par exemple, à San Francisco, au Blue Danube, un petit bar sans prétention où j’aimais prendre mon café du matin, l’auteur d’un Best Seller côtoie l’écrivain qui peine, tout ce petit monde se fréquente, sans prétention aucune si ce n’est celle de partager un moment complice ou solitaire. Mixité, toutes classes mélangée, toute ethnie confondue. J’ai ressenti cette similarité immédiatement à Marseille où j’ai mon atelier. Je possède un héritage arabe. Marseille c’est une ville, un port, des cultures qui vivent ensemble, des richesses incroyables. A Marseille tu as le sentiment que tout peut arriver. »

« Marseille c’est encore une ville de création, et non une ville d’exposition. »

– Où peut-on voir ton travail ?

Pour le moment dans mon atelier sur rendez-vous. Je ne montre pas beaucoup mon travail quand je suis en phase de création. Je reste concentré et je peins. L’exposition selon moi se fera naturellement quand l’aboutissement de mon travail sera au rendez-vous.

Je prépare aussi une exposition avec un collectif d’Artistes à la rentrée.

Focus sur …

Peindre en pleine conscience. « Sois le changement que tu veux voir dans le monde ».  (Gandhi).

« Mes gènes, mon sang et les générations qui ont forgé l’être que je suis sont mon héritage culturel et religieux. J’ai été naturellement attiré par le soufisme. C’est en quelque sorte le mysticisme de l’Islam. Méconnu sans doute et pourtant le phare de cette religion. L’ancien Islam le portait et le propageait, celui interprété par une civilisation raffinée et aboutie, à l’aube, à la naissance de cette religion, le soufisme faisait déjà pleinement partie du monde des anciens. On dit que c’est le cœur même de l’Islam. On le vit, on le ressent profondément, c’est à l’intérieur de nous et lorsqu’on souhaite le décrire c’est souvent une tâche impossible.»

« Un jour, un homme a demandé « Pouvez-vous nous expliquer ce que vous ressentez ? ». Il a répondu : « Pouvez-vous expliquer à quelqu’un qui n’a jamais goûté le miel ce qu’est le miel ? ».

« La pleine conscience c’est un ressenti. Très précieux, très personnel. Il vibre en toi, ici à ce moment-là, tu as chassé l’égo, tu es face à toi, ton être profond et tu rayonnes. Quand tu rayonnes, tu touches le monde. C’est dans la bienveillance, dans cette énergie, qu’à ce moment tu propages ce courant et c’est à ce moment que les autres sont touchés sans même qu’ils s’en rendent compte. C’est magique. Si on veut que le monde aille bien, chacun doit se connecter à son être intérieur et apporter sa propre lumière. »

 

Secrets d’Artiste

L’approche créatrice

Au tout début de ma carrière d’Artiste j’étais fasciné par les yeux. Et je dessinais de multiples lignes, sens, et courbes, des codes dans les lignes, des messages qui se perdent au détour de multiples chemins pour mieux se retrouver. Un mélange de géométrie une approche sans doute plongeant son inspiration dans la physique quantique, ce langage multiple laissé ouvert à des interprétations de tous les possibles.

Chacun prend et interprète en fonction des sens et des chemins qu’il souhaite emprunter.

J’ai rapporté de la librairie du Mucem un ouvrage sur la calligraphie. Le mouvement « calligraffiti » est né de ces multiples sens et sans comprendre toute la calligraphie arabe, j’aime contempler les écritures pour en interpréter certaines dans mes dessins. C’est un côté mystique qui revient et que j’aime dessiner dans toute sa spontanéité.

 

Mihoub

50 rue Cristophole

13003 Marseille

Site web

Page Facebook

 

Mihoub sera notre invité d’honneur le 12 mai à l’espace Label Art

Chemin des Delphiniums, Quartier Bassaquet, 83140 Six-Fours-Les-Plages

18h-21h : Trois heures de performance pour une soirée hautement artistique autour du lancement de la gamme 4ARTIST Marker by Pebeo

Entrée gratuite, sur réservation à happening@label-art.fr

 

En savoir plus sur le calligraffiti : Le graffiti arabe, Pascal ZOGHBI édition Eyrolles

 

Interview réalisé pour Label Art par Caroline CAMPO-DUSSOUET ©

Crédit Photos : Caroline CAMPO-DUSSOUET ©

Remerciement à Mihoub et à l’équipe Pébéo initiatrice du projet, notamment à Sébastien Arcouet et Yannick Cormerais. Merci à Jean-Luc de Pébéo pour sa patience.  Merci à l’équipe de Label Art pour son implication sur ce projet. Merci à Passage Clouté pour sa dynamique et son rayonnement de Paris à San Francisco 🙂

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